POEMES DE BUKOWSKI JEUNE à NEW ORLEANS Crever de faim
là-bas, faire la tournée des bars, et à la nuit tombée
marcher dans les rues pendant des heures la lumière de la
lune me semblait toujours artificielle et peut-être
qu’elle l’était et dans le quartier
français je regardais les chevaux et les
buggys qui passaient,
le conducteur noir,
et, à l’arrière l’homme
et la femme, jeunes en général
et toujours blancs Et j’étais toujours
blanc et difficilement
séduit par le monde La Nouvelle Orléans
c’était pour se cacher je pouvais foutre
ma vie en l’air on me foutait la
paix A part les rats les rats dans ma
petite chambre sombre qu’ils
n’appréciaient pas du tout de devoir partager avec moi Ils étaient gros et
n’avaient peur de rien et ils me fixaient
avec des yeux qui me vouaient une mort implacable.
une des plus belles
lignes de Lorca : ‘’l’agonie, l’agonie toujours’’ pense à cela quand tu tues un
cafard ou que tu prends un rasoir pour te raser ou le matin quand tu t’éveilles pour faire face au soleil
L’hiver sur mon plafond mes yeux gros comme des
réverbères. J’ai quatre pattes comme une
souris mais je lave mes propres sous-vêtements
à barbe j’ai la gaule, la gueule de bois et pas
d’avocat. J’ai la tête en gant de toilette.
Je chante des
chansons d’amour et je soulève de l’acier. Je préfèrerais mourir que de
pleurer. Je ne peux pas blairer
les cabots je ne peux pas vivre sans eux. Je colle ma tête au réfrigérateur
blanc et j’ai envie de pousser un cri comme on pleure les dernières larmes de
sa vie, à jamais mais je suis plus grand que les
montagnes.
IL Y A UN ROSSIGNOL… Il y a un rossignol
bleu dans mon cœur qui veut sortir mais je suis trop
fort pour lui je lui dis reste là je ne laisserai
personne te voir Il y a un rossignol
bleu dans mon cœur qui veut sortir mais je l’arrose de
whisky et de fumée de
cigarettes et les putes, les
patrons de bar et les épiciers ne sauront jamais
qu’il est là Il y a un rossignol
bleu dans mon cœur qui veut sortir mais je suis trop
fort pour lui je lui dis reste
tranquille, qu’est-ce que tu veux, foutre le bordel en moi tu veux foutre en
l’air mon travail ? tu veux bousiller
mes ventes de livres en Europe ? Il y a un rossignol
bleu dans mon cœur qui veut sortir mais je suis trop
intelligent, je ne le laisse dehors que certaines nuits à l’heure où tout
le monde dort je lui dis, je sais
que tu es là, alors ne sois pas
si triste et puis je le fais
rentrer mais il chante
encore un peu à
l’intérieur ; je ne laisse presque pas mourir et on dort ensemble
comme ça avec notre pacte secret et c’est assez
agréable de faire pleurer un
homme, mais moi je ne pleure pas et toi ?
Traduction S. Druet
© Linda
Bukowski Black
Sparrow Press
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